Interview “Deftech” de Lucas LE BELL, CEO et cofondateur de CERBAIR
Cerbair : s’impose dans la lutte anti-drones
DefTech. Vos solutions contre les drones sont adaptées à chaque environnement. Pouvez-vous nous les présenter ?
Luca Le Bell. Cerbair propose des solutions qui comblent les besoins en matière de lutte anti-drones, avec une approche axée sur la guerre électronique. Notre travail consiste à maîtriser le spectre de radiofréquences pour lutter contre les drones malveillants. Cela implique la détection, la caractérisation et la neutralisation. Au sein de chacune de nos gammes (Hydra, Medusa et Chimera), plusieurs configurations sont possibles. Elles apportent aux clients le niveau de performance adéquat, car nous ciblons leurs besoins en fonction des menaces auxquelles ils sont confrontés.
Hydra a été développée en trois versions. Hydra 100 est un alerteur de présence de drones qui détecte le drone et le pilote. Hydra 200 est un radiogoniomètre qui détecte et localise les drones et les radiocommandes avec précision. Hydra 300 est notre dernier radiogonr différeniomètre, que nous présenterons d’ailleurs à Eurosatory. Son spectre est large et sa précision est fine, en gisement et en site. Il peut s’intégrer suts vecteurs air, terre et mer.
Medusa est une gamme de solutions de brouillage déployée en partenariat avec Keas. Il s’agit de brouilleurs stationnaires ou mobiles qui saturent le spectre de radiofréquences sur lequel opèrent les drones afin de provoquer leur atterrissage d’urgence. Couplés avec Hydra, ils permettent de limiter les interférences électromagnétiques induites.
Enfin, Chimera est une gamme de solutions portables intégrées de détection, de localisation et de neutralisation. La solution la plus connue est Chimera 100 avec son couple manpack et effecteur. Le concept est très intéressant, car il s’agit de la seule solution qui alerte l’opérateur en amont de l’intrusion d’un drone et lui laisse le temps de préparer le matériel, de verrouiller la cible, de la repérer sur une tablette durcie avant d’engager le tir de brouillage. Avec cette gamme de solutions, nous mettons l’accent sur la lutte anti-drones mobile, avec possibilité d’intégration sur des vecteurs terre, air et mer.
Votre compréhension des enjeux liés à la « menace drones » est très technologique. Mais vous intégrez aussi la stratégie et la géopolitique. Comment ces deux matières vous aident-elles à développer et à améliorer vos solutions ?
Chaque pays a une idée précise de la menace contre laquelle il veut se protéger. En Europe, nous sommes plutôt préoccupés par la Russie, mais dans le Golfe, par exemple, ce sont les drones iraniens qui génèrent de l’inquiétude. C’est important d’analyser la géopolitique pour bien comprendre le type de menaces auquel nos clients se préparent. Cela nous permet d’optimiser les performances de nos solutions en orientant le développement de nos produits. Grâce à la géopolitique, nous savons où sont les zones de tension et nous pouvons ainsi améliorer nos solutions. Nos clients bénéficient de notre expérience opérationnelle et donc d’une protection plus efficace.
Par ailleurs, nous suivons de très près l’actualité, comme en Ukraine, où nous tentons de mieux comprendre les drones utilisés, leur fonctionnement et leurs méthodes d’emploi pour faire évoluer nos solutions et à terme mieux protéger nos clients contre des attaques similaires. C’est le cas par exemple de l’attaque contre le Moskva. Selon certaines informations, des drones auraient été utilisés pour la désignation d’objectif ou pour créer une diversion sur les systèmes de protection surface-air du navire. Cela illustre très bien la vulnérabilité des navires de surface face aux nouveaux cas d’emploi des drones. Nous proposons depuis deux ans des solutions pour la Marine nationale. Il y a beaucoup d’expérimentations et de travaux à mener dans ce domaine et cela constitue un axe de développement commercial et technique dans lequel Cerbair veut s’insérer.
Le consortium emmené par Thales et CS Group, dont vous êtes l’un des sous-traitants, s’est vu notifier le marché Parade (protection déployable modulaire anti-drones). Quels sont les objectifs de Parade et quel rôle allez-vous y jouer ?
Parade doit fournir des moyens complets de lutte anti-drones aux armées françaises. L’objectif est d’équiper les armées pour leur déploiement opérationnel, mais aussi pour la protection du territoire national, notamment à l’occasion d’évènements de grande ampleur, comme la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024. La DGA s’est engagée pour l’acquisition de six systèmes complets mobiles livrables en 2022.
Cerbair agit en tant que sous-traitant et fournit ses radiogoniomètres de nouvelle génération. Avec Parade, nous passons d’une phase d’expérimentations et d’achats isolés avec le ministère des Armées à un contrat-cadre d’armement qui s’inscrit dans le temps long et accélère fortement le développement de notre entreprise.
Quelles sont vos prochaines étapes dans les secteurs défense et sécurité ?
2022 devrait être une année record pour Cerbair, avec notamment le marché Parade, mais aussi le marché pénitentiaire que nous venons de remporter avec Keas, sans parler du rebond du marché export. L’entreprise renoue avec l’hypercroissance et notre volume d’affaires devrait ainsi être multiplié par quatre. Nous travaillons avec les armées, la DGA, le ministère de la Justice, et nous souhaitons collaborer plus étroitement avec le ministère de l’Intérieur, notamment en prévision des grands évènements, en proposant des solutions portables, à faible coût, permettant un maillage performant du territoire national. Nous poursuivons bien sûr notre travail avec les industriels de la défense français. MBDA est dans notre capital depuis quelques années. À partir de 2022, nous devrions tirer profit de nos relations avec les grands groupes. Nous travaillons déjà avec Thales, CS Group, MBDA, Nexter, Arquus pour un projet d’intégration sur tourelleau Hornet, mais aussi avec Naval Group dans son projet de lutte contre les menaces asymétriques (LCMA), et enfin avec DGA Essais en Vol (DGA EV) pour intégrer nos technologies de détection de drones à bord de voilures tournantes (hélicoptères) aux côtés de Delair pour assurer l’anticollision avec les drones.
Créé il y a sept ans, Cerbair a aujourd’hui le plaisir de travailler avec l’État français et ses grands maîtres d’œuvre industriels, que nous remercions pour leur confiance. L’objectif est de consolider nos acquis et de capturer le rebond commercial à l’export post-Covid pour faire de Cerbair le champion de la lutte anti-drones.
La maîtrise du spectre de radiofréquences va s’avérer de plus en plus capitale sur le champ de bataille et nous espérons que notre expertise en matière de lutte anti-drones nous permettra d’explorer demain d’autres applications.
Entretien avec Lucas Le Bell, CEO et cofondateur de Cerbair.
Entretien réalisé par Boris Laurent.